jeudi 21 février 2008

L'épreuve annuelle

Le rendez-vous est pris deux mois à l'avance. J'ai prévenu mon superviseur que je serais en retard ce matin-là. J'arrive dans le vestibule, retire mes bottes. Je donne ma carte au comptoir, mets mon manteau au vestiaire et vais m'asseoir en agrippant une revue au passage. Je suis certainement la seule à lire "In Style" plutôt que le "Coup de Pouce" ou "Canadian living" en ces lieux. La salle d'attente se remplit et je jette des coup d'œil autour de moi: beaucoup de couples, quelques femmes seules; je suis probablement la seule dans ma situation. La secrétaire m'appelle pour me peser. Pourquoi est-ce que leur balance me donne toujours 3lbs de plus que la mienne à la maison?

Finalement, on m'appelle et je me dirige vers le cabinet minuscule. Je connais la routine: enlève le jeans, la culotte que je mets toujours dans la poche du jeans de peur de l'égarer. Je m'assois sur la table d'examen et glisse sur mes genoux la serviette rose et blanche prévue à cet effet, histoire de ne pas se sentir trop dénudée. Et j'attends. Je me demande si elle me refera le coup de l'an dernier et me parlera de mon horloge biologique. Ça me déprime juste de l'envisager. Tout à coup, un drôle de bruit me sort de mes réflexions. Un bruit un peu électrique, étrange, fort, rapide et régulier. Je sais ce que c'est, je l'ai entendu l'an dernier aussi, car les murs ne sont pas très bien isolés ici. C'est le cœur d'un bébé. Sans le vouloir, sans y réfléchir, je souris. Puis mes yeux se mouillent. Je repense aux bedons aperçus dans la salle d'attente, aux petits couples heureux, image de ce que je veux tellement un jour, de ce que je croyais que j'aurais déjà à mon âge. Je me dis que si elle me parle de mon horloge biologique cette année, je vais me mettre à pleurer.

Finalement, elle entre. Je ne la vois qu'une fois par an, mais je l'aime beaucoup. Elle dit: "vous avez 31 ans" et je précise "32 dans 3 semaines!". Finalement, elle me parle de mon boulot et je pense que le fait que je lui parle ITS permet d'éviter le sujet de ma fertilité limitée par le temps. Elle a une phrase très drôle sur le dépistage: "je le fais plus régulièrement sur les jeunes qui ne sont pas en relation et polygames." Je réponds: "je suis monogame, mais je ne suis pas en relation". Elle sourit. Je me retiens de lui dire que j'ai envie qu'elle soit mon obstétricienne plus que ma gynéco, mais que d'ici là, c'est d'une entremetteuse que j'aurais bien besoin.

Elle me remet la prescription pour les petites pilules roses qui me permettent des séances horizontales doublement protégées. Je la remercie, on échange des politesses et je me rhabille dès qu'elle ferme la porte. Je ne la reverrai pas avant un an. Tantôt, je vais avoir des crampes à cause de l'examen; là, je suis juste soulagée d'avoir passé à travers cette petite épreuve annuelle sans pleurer sur ce que je n'ai pas dans le ventre.

7 commentaires:

Daniel Paillé a dit…

Tu vas certainement me dire que ma question est stupide mais si tu aimerais avoir un petit, est-ce qu'il te faut absolument trouvé le conjoint idéal avant?
Tu pourrais faire une excellente mère mono parentale non?
Moi je t'imagine très bien avec un petit ventre arrondi!
Bize
je veux être le parrain!

Anonyme a dit…

touchant comme texte, tu n'as pas a te sentir coupable de ne pas être mère .déçue peut-être , mais pas coupable.

Annie a dit…

@daniel paill� je ne veux pas un petit... c'est plus le concept "on s'aime tellement qu'on a envie de faire un enfant" qui me pla�t. Je crois que les biberons, les couches et le manque de sommeil, �a passe mieux si c'est partag�. :)

@daniel: si tu as lu que je me sentais coupable, alors j'ai rat� mon coup. Je suis d�ue par moments, mais je suis souvent tr�s heureuse d'�tre libre de faire tout ce qui me pla�t!

Anonyme a dit…

Quelle froideur ses examens! Vraiment, on a toujours l'impression d'aller à l'abatoir.

J'ai la mienne depuis 10 ans que je déteste; quand j'entre dans son bureau elle ne se souvient pas de moi (et n'essaie pas de me faire sentir le contraire).

Elle me rend bien cette haine car à chaque année elle me torture et j'en saigne le reste de la journée. Je dois avoir l'utérus à l'image de l'âme; hypersensible.

Cette année je devais avoir un bébé. C'était prévu et panifié avec l'ex. J'ai passé le week-end avec le bébé de mon frère et celui de ma cousine. J'ai eu les yeux mouillés souvent. Ton texte me fait du bien.

J'ai entendu à la télé la semaine derniere que le meilleur âge pour les bébés c'était 35 ans; alors je m'y accroche.

David a dit…

C'est tellement magique de regarder un bedon tout rond. C'est vraiment extraordinaire de sentir le premier coup de pied sous sa main ou encore de voir pour la première fois un échographie... Mais ce qui a de plus beau, c'est de savoir que tout ça c'est à nous et ça le restera jusqu'à la fin de notre vie.

Je te le souhaite tellement !

Ceci étant dit, je vais maintenant faire référence aux messages du 21 et du 25 février. Concertant les points de départ et les points d'arrivée dans la vie de couple... bien là tu marques un point vraiment important. Comment peut-on comprendre ou être compris quand on sait qu'un des 2 a passé par des chemins que l'autre ne connaît pas ? Comment on peut ne pas avoir d'attentes alors qu'on donne à profusion ? Ben oui, quand on donne, on ne s'attend pas nécessairement à recevoir mais quand même, faut bien attendre quelque chose un moment donné. À quoi bon être en couple si on attend rien en retour ? Et c'est là que les points de départ entrent en ligne de compte.

La quantité d'attente dépend souvent du point d'où on part et c'est pareil pour le point d'arrivée. Anyway, comment on fait pour mettre un point d'arrivé en commun quand on part pas de la même place ? On apporte donc une divergeance dès le départ parce qu'il y en a un des 2 qui aura à parcourir une plus grande distance que l'autre... Et justement en parlant de point... Faut pas oublier que de partir ensemble du point X et que d'aller à un même point Y ne veut pas dire qu'on va emprunter le même chemin.

J'crois que le chemin qu'on parcours a plus d'importance que les points eux-mêmes. Tu connais sûrement l'expression "on s'est perdu en chemin"...

Les points sont importants, mais le chemin suivi l'est tellement plus !

Pour ce qui est de donner... ah ben là j'peux pas trop en jaser... j'ai bizarement eu les mêmes réflexions dernièrement (ladebandale.blogspot.com - 20 février)

Je trouverais ça triste que tu passes une mauvaise semaine alors jte donne un "high five"... (http://digifaq.info/otr/seurasaari/highfive_34304.jpg)

Ça ne met pas de piquant dans une vie... ni de p'tite crevette dans le bedon... mais si ça met un sourire sur ton visage pendant au moins 2 secondes alors la semaine aura été meilleure !

Véronique a dit…

J'ai lu ton billet cette semaine et je me suis dis WOW. Je n'ai pas commenté, parce que je ne commente pas beaucoup, parce que j'ai souvent rien à ajouter...
Mais bon, cette fois-ci, je suis revenue pour dire mon WOW haut et fort. Très, très touchant comme billet. J'en ai eu des frissons !

Annie a dit…

@panique: 35 ans, dis-tu? Hum, ça me convient pas mal, moi! Merci!

@véronique: merci des bons mots, ça me fait plaisir venant de toi.

@david: nos réflexions de février se rejoignent. Étrange et rassurant. :)